Lectures d’enfance
Mon trio de tête, c’est Jules Verne, Tintin et Milou. Jules pour les grands frissons du voyage, le texte qui se tournoyait comme une vis sans fin, les mots incompréhensibles. Tintin et son toutou, histoire de remplacer la télé que je ne connaissais pas à l’époque. Hors d’eux, point de salut. Le Club des cinq m’enquiquinait, Ségur me barbait royalement et je croyais que London était la capitale de l’Angleterre.
Lire m’a donné des clés formidables pour écrire, mais j’ai toujours beaucoup plus écrit que lu. Dès que j’ai su combiner sujet, verbe et complément, j’ai inventé des histoires. Des histoires pour moi tout seul. Mon premier roman (une dizaine de pages, pas de panique !), je l’ai pondu à sept-huit ans. Depuis, j’ai dû noircir des milliers de pages. L’écriture, ça a toujours été mon sport favori, et de loin. Pourtant, j’étais balèze au ping-pong.
Collection d’enfants
Mes enfants m’ont tout appris, entre autre. Avant d’être papa, j’étais un plumitif qui n’écrivait pour personne. Comme un type qui grave des signes sur la grève sans cesse lavée par la mer. Avec eux, soudain, j’ai compris ce que c’était, s’adresser à un autre. Je me suis mis à peser mes mots, au lieu de seulement les tracer. Juste pour me faire comprendre. Mes premiers textes pour enfants, c’était des petits livres à leur intention, tapés à la machine, que j’illustrais, agrafais, cartonnais. Peut-être les ont-ils flanqués à la poubelle. Les enfants sont d’une ingratitude…
Auteur jeunesse
Je n’aime pas la littérature jeunesse qui se prend pour telle. Celle qui cible ses lecteurs, leur mode d’expression, leur vocabulaire, leurs thèmes de prédilection, etc. J’aime les livres qui s’adressent au plus large public, sans distinction de sexe, d’âge ou même, comme on dit chez les épiciers, de tranche d’âge. Dieu merci, il y en a des tonnes. Et qu’on m’étiquette auteur jeunesse ou non me laisse de marbre.
Pédagogique
Je ne crois pas trop à la pédagogie des livres, ni même à la pédagogie en général. Pour être pompeux une seconde, je dirais que la seule science de l’éducation qui vaille, c’est la confrontation au réel. Le reste n’est que béquille, cataplasme, succédané, virtuel. Livres compris. On n’est plus au temps de la Bibliothèque d’éducation et de récréation chère à Hetzel et Verne. Un roman c’est d’abord une histoire. Tant mieux si elle éveille, révèle, apprend, incite, conforte. Mais l’écrire dans ce but-là, non. Un bon récit doit être allusif, pas démonstratif.
Quant aux polars que sont les trois Romain Gallo, je me suis seulement amusé à jouer avec des textes que j’adore — les Contes de Perrault, la Mythologie grecque et les Fables de La Fontaine —. Mais conscient que les enfants d’aujourd’hui s’y sont beaucoup moins frottés que les mômes de ma génération, j’ai essayé — sur le même ton parodique, d’ailleurs — de les situer, de donner des informations sur leur contexte, leur auteur, leur origine. De ma propre initiative. Et là, c’est vrai, on peut me soupçonner de jouer au pédagogue. D’ailleurs, pour ajouter un post-scriptum au chapitre paradoxes en tout genre, je suis l’auteur d’une série quelque peu pédagogique d’albums sur les instruments de musique. Personne n’est parfait.